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Les Fafa, la famille de Béatrice et Lionel Lallement
Publié le VENDREDI 02 SEPTEMBRE 2022


L’histoire est Fafabuleuse. Quand certains donnent le la, Béatrice et Lionel Lallement produisent les Fa. Fafa et Fa, la marque de fabrique de deux Franciliens devenus Sarthois, anciens petits propriétaires et désormais petits éleveurs à Précigné dans le Haut Anjou. Avec pour objectif avoué d’accueillir de nouveaux investisseurs à une échelle réduite. Avec Béa et Lionel pas de chichis, pas de paillettes, mais plein d’amour à donner au cheval.

Ils étaient certes, l’un et l’autre, montés à cheval dans leur jeunesse. Turfistes aussi, pour la beauté de l’équidé avant le jeu. Puis un jour, ce couple extérieur au métier a décidé de rejoindre ceux qui se lèvent très tôt le matin, qui se couchent usés par leur journée, qui ne planifient pas de vacances, bref qui vivent au jour le jour pour et avec les trotteurs. « Tout a commencé en 2011 avec Talaos du Goutier. Parce qu’on avait envie avec mon épouse d’avoir un cheval de course. J’avais entamé une démarche un peu naïve. Je pensais que tous les entraîneurs étaient prêts à prendre mon cheval. Je m’étais constitué un petit mailing de dix professionnels que j’estimais efficaces. Certains ont eu la gentillesse et la décence de me répondre, dont Christian Bigeon qui m’avait précisé qu’il avait déjà trop de chevaux à l’entraînement. Et puis, un jour, on a écrit un courrier à un jeune entraîneur qui s’installait, Arnaud Angéliaume. Il avait les infrastructures et il ne lui manquait plus que les chevaux. Nous sommes donc partis tous les deux aux ventes du Prix d’Amérique. On avait chacun le programme et on s’était mis d’accord pour sélectionner trois trotteurs chacun. Parmi eux, on en avait un commun c’était Talaos, acheté 6 000 €. Arnaud l’avait essayé et très vite il m’a confié que soit nous avions un crack, soit un cheval malade. Manque de chance ce fut la deuxième option. Il m’avait alors conseillé de faire jouer la clause d’un mois ou d’essayer de le revendre prétextant que le traitement serait très coûteux. Nous, on a décidé de le soigner. Il avait un problème de synthétisation de la vitamine E, ce qui finissait par le paralyser en course. Nous sommes allés à la rencontre d’un spécialiste et au bout de quinze jours ça nous coûtait déjà 2 500€. Mais le cheval s’est refait. On l’a gardé à la maison le temps du traitement et Arnaud a fini par le reprendre au travail. Acheté en janvier, on l’a débuté en juin avec Jean-Philippe Mary. A sa descente de sulky il nous a certifiés qu’il ne resterait pas plus de deux courses sans en gagner une. La semaine suivante, en effet, il s’imposait. Il nous a fait une année à 35 000 €, 60 000€ en un an et demi. C’était topissime pour de jeunes propriétaires. Quelque part, il nous a permis de mettre un peu le pied là-dedans. Alors on s’est fendu en avril l’année suivante aux ventes d’un nouvel achat à l’amiable avec monsieur Denéchère. Elle s’appelait Tawa Mali, une petite pouliche très sympa qu’on avait également placée chez Arnaud. Avec elle, on a gagné notre première course PMU. Réussite totale. On s’est même dit les courses, c’est facile. Arnaud a eu l’intelligence et la gentillesse de nous modérer en signalant qu’elle n’avait pas forcément de marge et nous a conseillé de la vendre. Deux jours plus tard, elle trouvait preneur et je le regrette un peu car elle a donné par la suite 100% de qualifiés. Avec cet argent, on a néanmoins pu acheter deux filles, dont Ushuaia de Jemiska, réclamée au Mont Saint-Michel, et Une Feuille. On a dès lors compris que tout n’était pas si rose dans ce métier. Entre les problèmes vertébraux de Ushuaia et l’absence de résultats de Une feuille, nous nous sommes retrouvés avec deux femelles impossibles à courir. Pour nous qui n’avions pas d’enfants, elles sont donc devenues nos deux filles à la maison. Nos deux bébés » se souvient Lionel.

« Plus qu’une passion c’est une vie »

Ce joli roman aurait pu trouver son issue. Deux juments chéries par des humains comblés. Quelle belle fin ! Mais c’était encore trop insuffisant pour Béatrice et Lionel envoûtés par leurs nouvelles conquêtes. « On a donc décidé de se lancer dans l’élevage, mais alors sans rien y connaître. Il a donc fallu se renseigner. A côté de chez nous réside Isabelle Monnier du Haras de la Haute Hermitaie. Nous avons pris contact et à partir de là, elle nous a appris absolument tout. Elle est devenue depuis une de nos meilleures amies. Comme on ne voulait pas se séparer de nos deux filles, on a donc décidé de les faire saillir et de vendre notre maison. Une maison qu’on adorait, une vieille longère avec un étang. Mais il n’y avait pas assez de terrain. On a eu une chance inouïe de trouver en très peu de temps un bien à Précigné, une terre de trotteurs par excellence où exercent Jean-Yves Bodin, Jacques Bodin, Adrien Sourice, Laurent Laudren, Théo Radoux qui s’y est récemment installé. Une grande maison au départ sur 8 hectares. Le top pour nos deux filles. Les deux premiers bébés sont ainsi nés ici dont Estrella Fafa qui a aujourd’hui cumulé près de 130 000€ de gains. On a sympathisé avec des voisins agriculteurs, proches de la retraite, qui avaient des prés jouxtant notre propriété et on a ainsi pu acquérir 5 hectares supplémentaires. On dispose donc de 13 hectares d’un seul bloc. On nourrit à pied et c’est devenu une passion virale et totale », résume Lionel qui a depuis pu développer son activité professionnelle dans le tourisme à domicile. Quant à Béatrice, cadre dans la grande distribution, elle ne perd jamais une seconde pour accorder le plus cher de son temps libre à ses amours.  « Elle surveille le moindre petit bobo, prend un quart d’heure pour discuter avec chacun d’eux. Matin, midi et soir, c’est pour nous devenu une habitude. Plus de vacances. De toute façon, au bout de dix jours ils nous manquent trop. Ce matin c’était les chevaux, demain les gouttières, après demain il faut refaire les boxes. C’est plus qu’une passion, c’est une vie. Il n’y a pas de mots ». Dans la campagne profonde, à l’intersection du Maine-et-Loire, de la Mayenne et de la Sarthe, dix prés d’un hectare et quatre paddocks offrent un environnement de luxe aux poulinières et à leurs poulains. Ici, chez les « Fafa », on fait tout de A à Z, jusqu’au débourrage réalisé par Vincent Raimbault. « On a établi depuis deux ans un vrai travail d’équipe avec Christophe Mallet, Mathieu Daougabel et Vincent. Je vise une gamme de grands « petits » entraîneurs. La relation de confiance est primordiale. Le cheval est à la base de tout. Sans cheval, il n’y a pas d’éleveur, pas de propriétaires, pas d’entraîneurs, rien. On doit donc d’abord tout leur donner. Avec Béatrice, on porte également cette envie commune d’emmener de nouveaux petits propriétaires aux courses. Pour cette raison, on n’a jamais vendu un cheval plus de 5 000 €. Quelle que soit la saillie. On en fait pas une question d’argent. Tous ces petits investisseurs ça leur fait plaisir de lire leur nom sur un programme, de regarder courir leurs propres couleurs. On n’est pas dans la gloriole. L’élevage c’est un plaisir, même si c’est dur, même s’il faut mettre les pieds dans la boue, même quand il fait froid. Et nous on veut juste le partager. On a des gens qui nous font confiance, qui viennent le samedi ici en emmenant une petite bouteille de mousse, de rosé, on regarde les chevaux, on va aux courses ensemble. On a couru à Vincennes, on a couru à Enghien, on ne s’est jamais déplacés. Nous on préfère Le Pertre, manger une merguez-frites à Chinon avec un verre de rouge ou une galette saucisse à Ploubalay où l’on était 5000 cet été dans les tribunes.  Sur ces hippodromes bat le cœur même de tous ces gens qui font vivre la filière. Je n’ai jamais rêvé de gagner à Vincennes. Durtal c’est aussi bien.  Vous y croisez des petits éleveurs, de petits propriétaires, des gens qui travaillent dans l’ombre pour quatre ou cinq réunions par an. Ce sont eux qu’il faut remercier. Gagner à Vincennes devant cinq pelés et trois tondus c’est moins rigolo », reprend Lionel dont l’élevage s’est imposé à onze reprises depuis son lancement en 2017. « On a jusqu’alors produit 22 chevaux pour onze qualifiés. On a ce défaut, ou cette qualité, de récupérer tous nos bons chevaux réformés des courses. Ça nous rassure de les avoir à la maison. Ils nous ont tant donnés.  On essaie de maintenir un effectif entre douze et quinze têtes. Un établissement comme le nôtre, il faut le savoir, nous fait perdre 20 000€ sur nos fonds propres tous les ans. A partir du moment où vous vendez vos produits moins de 5000€, que vous achetez quatre ou cinq saillies tous les ans entre 4000 et 4500€, que vous travaillez avec Dynavena, qui propose les aliments les plus qualitatifs du marché, il ne faut pas se leurrer le calcul est vite fait. On travaille avec la clinique de Meslay, dès qu’un cheval a un petit bobo on l’appelle. Quentin Abrivard, le maréchal, vient ferrer chaque mois et demi tous nos chevaux,… C’est beaucoup de frais alors qu’en course on gagne entre 80 et 100 000€ chaque année.

« Le Trot ne peut pas se résumer à Vincennes »

Comme nous ne touchons que la prime d’élevage de 12%, il nous reste 10 000€. Il faudrait trois Estrella Fafa pour s’en sortir. Notre porte-drapeau, la première naissance de notre élevage. Son plan de poulinière est déjà en place. C’est une fille de Full Account, qui est un très bon père de mère. Il a fait Village Mystic, de grands étalons. Il faudra aller sur du Coktail Jet, on a donc épluché les livres, presque pris des options sur des fils de Love You. C’est certainement la seule, par amour, qui aura droit à une saillie à 10 000€. Quand on est éleveur il faut garder une part de rêve tout en restant lucide ». Rien n’est en effet écrit d’avance aux courses. Lionel l’a appris à ses dépens. Sans renoncer. Jamais. En soutenant coûte que coûte ces petites rivières qui font les grands fleuves. « On appartient à un monde populaire et agricole. On se tutoie tous très vite, on vit des moments conviviaux. Mais attention, ça ne pourra rester comme ça que si l’on aide la province à maintenir voire développer ses réunions. Le trot ne peut pas se résumer à Vincennes, Grosbois, Cagnes ou Vichy qui est en train de devenir un endroit où le petit propriétaire n’a presque plus sa place. Toutes les grosses écuries y sont invitées. Biarritz c’est pareil. Que reste t’il aux petits éleveurs, propriétaires, entraîneurs ? Combien sont-ils chaque mois à arrêter ? Le Trot est devenu une photographie de l’économie française. Les riches sont de plus en plus riches et les pauvres n’ont que des miettes. Béa et moi sommes des amoureux des chevaux. Ils n’ont pas de prix. On part du principe que tout cheval qui nait doit se qualifier. S’il est bien soigné, bien nourri, bien éduqué, entraîné pas trop dur, il doit être apte à courir. Il ne gagnera peut-être pas son avoine, mais il ira aux courses à Molières, à La Guerche de Bretagne, dans les bleds. Nous nous positionnons à la limite de l’amateurisme et du semi-professionnel. Des amateurs purs et durs qui essaient de travailler au mieux. Je reconnais aujourd’hui encore plus qu’hier toutes les qualités aux personnes qui n’ont qu’une poulinière, un bout de pré avec abri, un poulain par an si tout se passe bien et qui font quatre ou cinq kilomètres, parfois davantage, pour donner la ration de grains et d’avoine matin et soir. Ceux-là méritent autant de respect que les grands de ce monde. Ils ont du mal à s’acheter une saillie. Ils vont sur des saillies dont personne ne veut mais pour eux là n’est pas l’essentiel. Ils vivent leur rêve autant qu’ils peuvent ». Chez les « Fafa », Estrella a ouvert une brèche et restera à jamais la jument de cœur. Les biens nés Lord Fafa et Lovely Fafa vont bientôt quitter Précigné pour l’écurie Lourtet alors que Legacy Fafa a rejoint les boxes de Christophe Mallet. Lula Fafa, la future starlette, commence quant à elle à apprendre son travail chez Vincent Raimbault. Autant d’espoirs… que de lucidité.

Fabrice Rougier


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