Actualités
 < Voir toutes les actualités

De chaque matin Louis Valmalle fait un jour J
Publié le VENDREDI 05 FEVRIER 2021


Björn Goop, au premier plan, Henrik Hollsten, au milieu, et Louis Valmalle, à l’extérieur, travaillent leurs 2 ans à Melun.

La une de l’actualité ? Ils ne l’investissent jamais. Et pourtant, les débourreurs sont à la base de la carrière de tous nos champions. Louis Valmalle est de ceux-là. Voilà un demi-siècle qu’il consacre sa vie aux poulains. Aujourd’hui, il prépare avec la plus grande délicatesse les 2 ans aux origines exceptionnelles de Björn Goop. A la rencontre d’un homme heu-reux. 

A 68 ans, Louis Valmalle ne veut pas entendre parler de retraite. Se mettre en inactivité, pourquoi pas, mais s’éloigner des chevaux, comme pour beaucoup, demeure inacceptable. On n’efface pas un demi-siècle de travail du jour au lendemain, d’amour du quadrupède surtout, aussi vite qu’un trotteur  quitte soudainement le peloton pour nourrir la colonne des disqualifiés. Alors, connaissant son sérieux, quand le professionnel suédois Henrik Hollsten lui a demandé de lui donner un coup de main, ce débourreur hors pair n’a pas résisté à l’envie galopante de remettre les bottes. C’est ainsi, depuis l’automne, qu’il a rejoint le staff scandinave et la garde rapprochée de Björn Goop à Melun. « Je n’ai pas réfléchi bien longtemps. J’ai pris ma voiture et l’autoroute vers Paris », explique ce Gardois enchanté d’apporter son savoir à sa nouvelle équipe. « J’ai au débourrage une trentaine de poulains, dont les deux tiers sont placés sous l’entraînement de Björn Goop. Monsieur Hollsten est une personne vraiment très agréable. Quant à Björn Goop, il dégage beaucoup de quiétude, d’apaisement. Il est hors des hippodromes le même que dans un sulky. C’est un professionnel au calme olympien. Il a le sang-froid du champion. Comme Franck Nivard, il ne connaît pas la pression, qu’importe la course qu’il dispute. Mais pour gagner trois Prix d’Amérique, il faut également de la justesse dans chaque décision et un brin de chance. Sans une petite aide du destin, on réussit rarement. Regardez Une de Mai. Elle a été la meilleure jument au monde et elle n’a jamais pu remporter le Prix d’Amérique. Rien n’est jamais écrit avant une course, même quand on s’appelle Face Time Bourbon », rappelle cet homme de la face cachée des courses qui transforme un poulain en trotteur.

Se respecter mutuellement

« J’ai commencé avec les chevaux de selle quand j’avais douze ou treize ans. Puis, un jour, dans les années soixante, alors que je travaillais des chevaux à Nîmes chez Henri Julien, ce dernier m’avait présenté Henri Callier qui était l’entraîneur numéro un dans le Quart Sud-est. C’était une autre époque. On commençait le débourrage à dix-huit mois voire deux ans dans l’espoir de les débuter à Cagnes dans leur année de 3 ans. Désormais, on les prend en main à un an. On fait un pré-débourrage comme on dit pour les emmener en piste à l’âge de 2 ans. Ce n’est, cela dit, pas la méthode choisie par Björn. Ça ne l’intéresse pas de qualifier ses poulains dès le mois de juin. Il préfère les laisser grandir, qu’ils soient nickels, dotés de beaucoup de tenue. La vitesse viendra plus tard. Cela leur permet de finir leur croissance, de bien mûrir, afin qu’ils découvrent la piste en étant le moins nerveux possible. Quand il qualifie ses protégés, ils sont déjà en mode course », apprécie ce second maillon de la chaîne après l’éleveur. « Mon boulot, c’est de l’apprentissage. La première des choses qu’on demande aux poulains est d’être à l’écoute du bonhomme. Il faut mutuellement qu’on se respecte. C’est primordial. Quand on prend un cheval en main, il ne doit pas nous marcher sur les pieds. La plupart des trotteurs sont aujourd’hui attelés avant d’être débourrés. Ce n’est pas ma vision. Quand je promène le cheval dans le vide, il ne doit pas bouger. Nous devons être tous les deux en confiance. Je leurs mets ensuite une bride, je les habille avec un petit harnais muni d’élastiques. Je les passe après en grandes guides. Je suis derrière eux à pied comme s’ils avaient un sulky. Et on se promène pour faire la bouche comme on dit, pour qu’ils aillent à gauche, à droite, qu’ils s’arrêtent, qu’ils redémarrent. Puis un jour vient où l’on met le sulky. On monte dessus et on part tout en douceur. Je suis contre le rodéo. Quand je monte, ça ne bouge pas d’un poil même si chaque cas va être différent. Certains chevaux sont voyants, dans le sens où ils ont peur de tout, d’autres sont agressifs. Il faut faire du cas par cas. On ne peut pas parler de méthode préconçue. Il faut s’adapter au poulain. C’est la seule règle. Je les conserve une petite année. Le temps de m’y attacher et de les voir partir. Certains marquent plus que d’autres sans pour autant être des cracks. Un cheval qui gagne à Vivaux peut tout autant toucher émotionnellement qu’un cheval qui court à Vincennes. C’est le cœur qui parle », précise Louis dont les nouveaux copains ne manquent pas de classe.

"Je n'ai été fabriqué que pour faire ça"

« Je travaille avec des origines exceptionnelles. Ready Cash, Bold Eagle, Love You, Bird Parker,… il ne doit y avoir que trois ou quatre juments françaises, ce sont toutes des poulinières suédoises. C’est le luxe, de sacrées origines. Mais à cet âge, on ne peut pas vraiment dire si les « J » que j’ai sous ma responsabilité deviendront des champions. Des chevaux peuvent être prometteurs avant de plafonner. Certains ont des allures plus faciles, plus naturelles que d’autres. Aux premiers travaux, on se dit par contre que ce sera plus compliqué pour certains car ils sont cagneux. Mais rien n’apporte de certitudes. Général du Pommeau était un poney, ça ne l’a pas empêché de gagner à 2 ans et à 10 ans, c’est pareil pour Idéal du Gazeau, c’était un petit cheval. Avec son modèle, je suis certain quand ils l’ont débourré qu’ils ne devaient pas envisager de gagner le Prix d’Amérique. Au-delà des allures, le moral est essentiel. Si le cœur ne suit pas, ils peuvent aller à une vitesse terrible, ça ne suffira pas. Il en faut des paramètres pour fabriquer un crack », poursuit-il avec cette âme d’enfant qui débute dans le métier. « Je ne sais pas encore si ça va se faire, mais l’on commence à parler des premiers produits de Face Time Bourbon. Ça met l’eau à la bouche. On a déjà hâte d’y être. Le débourrage c’est la base de tout, même si l’élevage reste primordial dans une carrière. Personnellement, je n’ai été fabriqué que pour faire ça. Quand ils commencent à courir, je ne suis plus dans le coup. Mon boulot s’arrête aux qualifications. C’est une question d’habitude. Et d’amour pour ce métier trop peu médiatisé ».

Fabrice Rougier


Mentions légales Politique de Confidentialité
En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies permettant la personnalisation des contenus, le partage sur les réseaux sociaux, la mesure d'audience et le ciblage des publicités. Votre navigateur ainsi que des outils en ligne vous offrent la possibilité de paramétrer ces cookies.