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Carla O’Halloran, le fighting spirit espagnol à la française
Publié le DIMANCHE 05 JUIN 2022


Combative de par ses origines gaéliques, Carla O’Halloran a d’abord été cavalière émérite en Espagne, où elle a grandi, puis en Italie, deux pays où elle fut promue cravache d’or avant de découvrir la France en 2008 au cœur du dispositif d’Alain de Royer-Dupré. Entraîneur public depuis 2014, cette cantilienne et heureuse de l’être remplit depuis chaque jour son livre d’or avec son compagnon Fabien Lefebvre.

Dans son regard branché sur la piste reflète toute sa détermination. Chacun de ses propos se colore de cet accent qui à lui seul est une invitation au voyage et vous envoûte sur le champ de sa passion. Quant à son nom, il nous projette dans un pub au sortir d’un point-to-point dans la banlieue de Dublin. Nous sommes bien à Chantilly chez Carla O’Halloran. C’est dans la forêt la plus sportive du Nord parisien que cette professionnelle a planté son propre décor en 2008. En provenance d’Italie où elle apportait son énergie au service de Mauricio Guarnieri, Carla a conservé de son enfance en Espagne la grinta. Profondément européenne, mais attachée aux valeurs méditerranéennes et tricolores. « Quand j’ai quitté l’Espagne, je ne peux pas dire qu’il était logique d’aller en Italie, mais je ressentais cette envie d’en apprendre toujours plus sur ce métier. Je me sentais peut-être aussi plus proche du modèle de vie italien qu’ailleurs. On sait que les courses ont connu une lourde crise de l’autre côté des Alpes à la fin des années 2000. Mauricio Guarnieri, chez qui je travaillais, m’avait alors proposé de faire un petit stage à Chantilly pour voir autre chose et c’est ainsi que j’ai rejoint l’écurie de monsieur Alain de Royer-Dupré chez qui je suis restée sept ans. Je m’y sentais si bien. Ce fut un plaisir de travailler à ses côtés ici et c’est aussi l’endroit idéal si l’on touche un cheval qui sort de l’ordinaire, de qualité supérieure, car on bénéficie de toutes les installations nécessaires pour optimiser ses performances. Je regrette parfois encore de ne pas être passée par l’Angleterre ne serait-ce que pour y faire un stage afin de mieux appréhender le programme des courses anglaises, mais j’aurais eu un peu de mal à m’y acclimater. En Espagne, on a une façon de vivre un peu particulière, conviviale, que je retrouve en France. Je suis super passionnée, j’adore les chevaux, mais j’aime aussi le bien-vivre, bien manger, boire un bon verre de vin », résume cette Cantilienne aussi à l’aise pour s’exprimer en anglais, en italien, en espagnol ou en Anglais. Pour parler à l’oreille des pur-sang, voilà qui peut aider.

"Quand on court, on veut au moins finir dans les cinq premiers"

Bref, Carla est une version originale à plus d’un titre. Originale et minutieuse. Avec une méthode qui, si l’on s’y attarde, reste relativement proche de celle du jeune retraité des courses au palmarès à nul autre pareil. A une échelle bien moindre, certes, mais animée d’une similaire ambition. « J’ai actuellement une quinzaine de chevaux. Un effectif que j’aimerai faire grandir jusqu’à trente pensionnaires tout en privilégiant la qualité à la quantité. Avec Fabien (Lefebvre, son compagnon, ndlr), on essaye d’opérer une sélection et surtout de commettre le moins d’erreurs possibles en visant autant que possible les courses à conditions. Ainsi on se fixe un objectif et on essaie de l’atteindre. Certes avoir le cheval en grande forme est très important, mais la qualité de l’engagement est essentielle pour détenir une première chance. Quand on court, on veut au moins finir dans les cinq premiers. Si l’on peut gagner c’est encore mieux ! C’est beaucoup plus aléatoire dans les handicaps, où beaucoup de choses dépendent de la monte et du parcours, même si Lilas de France a récemment triomphé dans cette catégorie à Longchamp pour me contredire. Mais ce sont des courses qui se préparent en amont, des mois bien plus tôt. On a cette même ambition pour Shanna Rose le 21 juillet avec pourquoi pas à la clé son premier Quinté. Monsieur Royer m’a beaucoup appris. C’est un homme de cheval. Il essayait de déchiffrer chaque caractère, chaque potentiel et de résoudre l’équation. Il lui était naturel de mesurer si un cheval avait besoin de travail ou de repos, d’une piste à peine souple ou lourde, d’une longue ligne droite ou pas,… ce genre de petits détails qui permettent d’extraire le meilleur de chaque cheval ».

"Ils n'ont pas de mots mais on les comprend"

Ecouter, observer, aimer, une vie résumée en trois verbes. « On traite nos chevaux comme des sportifs de haut niveau. Ils ont un physique fragile qu’il faut constamment préserver, comme leur moral du reste. On leur demande de donner le meilleur, alors il faut les emmener sur l’hippodrome en bonne santé. Un cheval qui n’a pas le moral ou pas confiance en lui va plutôt nous décevoir, tandis qu’un cheval qui a toute votre estime se sentira valorisé. On les écoute au maximum. Attentifs, on communique. Il nous donne des signes, nous explique quand et pourquoi il se sent bien. S’il est en bel état, s’il mange bien, s’il se repose, s’il ne stresse pas dans son cadre de vie, ce sont déjà de bons signaux. Ils n’ont pas de mots, mais on les comprend. A contrario, si l’un de nos éléments semble contrarié ou agressif au travail c’est qu’il a quelque chose qui l’embête, qu’il y a un souci qu’on ne voit pas physiquement… C’est un travail d’observation. Chaque détail dompte. Autant que le travail d’équipe. Nous sommes quatre à l’écurie. Pour les galops du matin on monte avec Fabien. Parfois on fait appel à des jockeys pour avoir un avis extérieur, ce qui est toujours important. Avec Gérald Mossé, Eddy Hardouin, Ludovic Boisseau, qui est récemment venu nous donner un coup de main, Pierre-Charles Boudot à l’époque de Aramhes, on dialogue, on analyse. Quand le moindre doute s’installe au sujet d’un de nos compagnons on cherche de l’aide. On ne peut pas rester sur des idées arrêtées. Chaque cheval affiche une particularité et parfois un avis extérieur est très enrichissant ». Après 8 ans de licence d’entraîneur public, Carla O’Halloran aimerait à son tour pouvoir diriger des champions comme Giofra, Reliable Man, Reggane, Le Larron,… qu’elle a accompagnés dans sa jeunesse. Une ambition délicate mais pas démesurée. « J’en rêve chaque jour en achetant de jeunes chevaux ou en recevant des poulains de propriétaire-éleveurs. L’espoir ne nous quitte jamais. La plupart de nos représentants ont montré leurs limites. Ils sont sympathiques, finissent souvent à l’arrivée, mais aucun n’aura de prétentions classiques. Par contre je compte un peu sur Kool First, un poulain de 3 ans inédit qui débutera dimanche dans une course-école lors de la réunion du Jockey Club. Il demeure encore un peu en retard au travail, mais il est très grand et puissant. C’est lui mon petit espoir ». Et de surcroît un pur-sang d’origine espagnole. Vamos Carla !

Fabrice Rougier


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