Actualités
 < Voir toutes les actualités

Pascal Garreau : J’irai jusqu’au bout de ma connerie
Publié le VENDREDI 10 DECEMBRE 2021


Sacré bien avant l’heure Champion de France des Amateurs 2021, Pascal Garreau s’est trouvé un nouvel objectif en tentant de dépasser le record de 48 victoires sur une année détenu par Sophie Blanchetière. L’artisan-boulanger de métier aborde ses espoirs, ses joies, ses peines et son ressenti sur une catégorie du trot oubliée. Sans langue de bois.

Il y est parvenu. Non sans mal. Pascal Garreau deviendra au 31 décembre, et pour la première fois après trente années d’exercice, champion de France des Amateurs. En ayant avalé 56 000 kilomètres d’asphalte pour parfois aller courir, comme il le dit, à Trifouilly-les-Oies. Avec humour et autodérision. « Pour recevoir une allocation de 1200€ si l’on gagne, alors imaginez le septième. Y’a même pas de quoi, une fois tous les frais enlevés, se payer le ticket de péage. A presque soixante balais, quand tu descends de Paris à Saint-Galmier dans la journée, tu rentres le soir et tu retrouves ton plumard heureux. Faire dix heures de route pour deux minutes de course, il faut quand même être cinglé. Quand ça se passe bien tu te dis c’est super, par contre quand tu as été disqualifié au départ tu te demandes ce que tu fous dans cette bagnole à part faire le con. Y’a de quoi se mettre des claques. Mais bon c’est la passion, c’est le plaisir. Et quand je m’engage dans quelque chose je vais au bout. A tort ou à raison. J’ai dit que je donnerai tout jusqu’au 31 décembre, ce jour-là il y aura une course dans la dernière à Vincennes. Pour le réveillon, j’ai déjà prévenu ma femme que j’arriverai avec un peu de retard ».

"Pierre Coignard et Pierre-Emmanuel Mary ont fait du bon boulot"

Le titre pourtant en poche, Pascal, artisan-boulanger de métier, n’a pas abdiqué. Loin de là. Et pour cause, il lui reste une petite vingtaine de jours pour remporter trois courses et battre le record de 48 succès sur une année civile établi par Sophie Blanchetière. « Sophie se doute maintenant qu’au point où j’en suis autant que j’aille jusqu’au bout de ma connerie. Un record c’est fait pour être battu. C’est vrai qu’au mois de septembre je n’y comptais pas trop, je me démenais surtout pour devenir Champion de France. Lors du premier semestre, j’ai préféré assurer des points pour le classement général au détriment d’une victoire. Aujourd’hui j’y vais avant tout pour gagner. Après, rien n’est fait. Regardez, samedi dans la Finale du GNT des amateurs, je suis tombé sur un os. C’est souvent quand on veut gagner à tout prix que ça ne se passe pas comme on l’aurait souhaité. Furioso Fligny a néanmoins été courageux. Pierre Coignard n’avait pas voulu le déferrer, il n’avait pas d’œillères, il était présenté en version amateurs, pas en version course. Pierrot n’aime pas les artifices. Emblème Castelets était déclassé, c’est un cheval qui avait dévoilé des moyens il y a un ou deux ans. Guillaume Gillot l’avait préparé pour sa femme (Barbara Guenet, ndlr), c’est comme ça, c’est de bonne guerre. Cela dit, je suis content pour Jean-Claude Louche car c’est un bon gars. Et ça me fait plaisir car ça me ramène quelques années en arrière quand moi aussi je débutais. Les 48 victoires restent toutefois envisageables. Signe que les chevaux ont bien couru toute l’année et que Pierre Coignard et Pierre-Emmanuel Mary ont fait du bon boulot. Il me reste six ou sept cartouches pour toucher ma cible. Mercredi prochain, à Amiens, Epi des Landes est normalement un penalty. Le cheval a été gardé pour ça.  Pour la Finale, toujours à à Amiens le 21 décembre, Everest Dodeville devra rendre 25 mètres, mais c’est un cheval pétri de qualités. Normalement, si je n’ai pas deux mains gauches, il dispose aussi d’une très bonne chance », prévient le driver et propriétaire qui s’est lancé dans cette course au titre en étant soutenu par tout un entourage.

"Au 1er janvier, je redeviens grand-père"

« Avec le covid, la peur de la fermeture des magasins, la baisse du chiffre d’affaires de nos boulangeries, il y a un an mes enfants m’ont dit papa ce serait bien que tu retournes un peu courir pour décompresser. Comme ça, entre guillemets, je fichais la paix à tout le monde. Mon beau-frère, ma belle-sœur, mon gendre, ma belle-fille, mes enfants, tout le monde m’a encouragé, supporté. Sans eux, je n’aurais pu avancer autant, délaisser mon activité. Je n’ai que deux mains, deux bras et une tête. J’ai ouvert plusieurs boulangeries dans l’ouest parisien afin que chacun puisse posséder sa gamelle sans regarder dans celle de l’autre pour savoir si elle est meilleure. Certes, on a eu des hauts et des bas dans la vie, aussi bien au point de vue professionnel que dans les chevaux. On a aussi parfois eu chaud au cul dans les affaires, mais avec de la persévérance, du travail et de la ténacité on finit toujours par y arriver. Dans n’importe quel métier, dans n’importe quel sport, il faut avoir un esprit d’équipe, la culture de la gagne, la vista. Ce n’est pas être prétentieux que de vouloir écraser tout le monde, mais si l’on veut sortir du peloton de temps en temps, sans espérer gagner tous les ans le Tour de France, c’est bien de remporter ne serait-ce qu’une étape, ça met du baume au cœur », souligne un amateur au succès croissant. Mais qui retombera dans l’anonymat dès le 1er janvier. « Je vais mettre mes chevaux en vente car l’année prochaine je vais redevenir grand-père, comme disent mes enfants, un gars plus peinard. Je conserverai deux ou trois éléments pour courir le Championnat d’Europe, le Grand National des Amateurs, voire la Coupe. J’espère qu’il y aura moins de covid et qu’on pourra travailler un peu plus. Ce n’est pas avec les courses pour amateurs que tu vas faire vivre une famille. Intégrer ce milieu est de surcroît devenu un vrai chemin de croix. Rien n’est fait pour nous aider même au niveau de la société des courses. On est ni plus ni moins que de la chair à canon. La seule chose qui nous sauve ce sont les enjeux du PMU sur notre catégorie. Si demain les courses d’amateurs concentrent moins de jeu, on disparaitra comme le soleil se couche. Même la presse spécialisée nous boude. Pas une ligne, hormis Le Veinard, sur la finale du GNA. Allez, on parle de nous une fois tous les trois ans. Si demain il y a un budget à éliminer, celui des amateurs trinquera en priorité. Pourtant, si je prends mon exemple, j’ai investi, j’ai des frais de maréchal-ferrant, de vétérinaire, je paie des pensions aux entraîneurs,… et je ne suis pas le seul dans ce cas. Sur nos quelque neuf cents licenciés, 90% fonctionnent ainsi et participent activement à la filière. C’est quand même dommage de savoir que seul le jeu les intéresse. Sans cela, on redeviendrait un club de football de division d’honneur. On ne passerait même plus à la télé ».

Fabrice Rougier


Mentions légales Politique de Confidentialité
En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies permettant la personnalisation des contenus, le partage sur les réseaux sociaux, la mesure d'audience et le ciblage des publicités. Votre navigateur ainsi que des outils en ligne vous offrent la possibilité de paramétrer ces cookies.