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A La Teste de Buch plus rien ne sera comme avant
Publié le VENDREDI 12 AOUT 2022


Alexis et Stéphanie les mains vertes de La Teste-de-Buch. 


La Teste-de-Buch a repris du service le 31 juillet après avoir été stratégiquement désigné comme poste de commandement des pompiers pour fixer des incendies qui auront détruit 7000 hectares de forêt. Stéphanie, jardinière à l’hippodrome, et Alexis, chef de pistes, ont vécu ce cauchemar de l’intérieur et espèrent rapidement et définitivement tourner la page.

Chaque matin en se rendant au travail les mêmes images viennent ressasser un douloureux passé. Des pare-feux au bord de la route, au loin la cime des pins noircie et encore tiède, les stigmates d’un horrible mois de juillet ravivent la douleur de ceux qui donnent quotidiennement vie au petit village girondin. A La Teste-de-Buch, le champ de courses, durant quinze jours, s’est transformé en base d’intervention des soldats du feu. Près de mille pompiers sur place cohabitaient alors avec toute l’équipe du Béquet. Stéphanie Pilorge, jardinière polyvalente, et Alexis Plantey, chef de piste de l’hippodrome, se sont retrouvés au cœur de cette mésaventure. Encore profondément choqués. L’employée à l’embellissement du site a même été contrainte de quitter son domicile par précaution. « La toxicité de l’air provoqué par la fumée devenait insupportable. Heureusement que les chevaux du centre d’entraînement avaient pu être tous évacués. Résidant à proximité, j’ai été évacuée une semaine de mon logement. On a trouvé refuge chez des amis. Ma fille a dû changer deux fois de centre de loisirs, son père, pompier, était constamment au feu. La période fut très compliquée à gérer. Le contexte, l’évacuation, le travail, c’était trop d’angoisses. On assistait à un sordide spectacle. C’était un balai incessant de camions. On voyait les pompiers courir, revenir. Un, deux, puis trois, quatre hectares partaient en fumée, ça ne s’arrêtait plus et on ressentait par moments la fatigue et l’impuissance des soldats du feu. Heureusement, la vie a repris depuis même si notre département reste en proie aux flammes. Mais quelque chose s’est cassé. Ça reste notre patrimoine, notre forêt, nos animaux, tout cela représente beaucoup pour nous », déplore encore Stéphanie.

"On voit encore apparaître quelques départs de feux"

Puis à Alexis de poursuivre, sans être définitivement rassuré « Nous avons surtout été fortement gênés par la fumée. Quand le feu s’est rapproché de l’hippodrome, quelques débris se sont abattus dans l’enceinte, des copeaux, des aiguilles de pin brûlées, c’était plus anxiogène que le feu par lui-même. Résidant à Sanguinet j’avais un laisser-passer pour me rendre sur l’hippodrome. Les premiers jours, on a aidé les pompiers à s’organiser, à se mettre en place, à ouvrir quelques salles, on était sur le terrain pour les aider au maximum. L’entretien du gazon m’est durant quelques jours apparu secondaire. C’était difficile moralement de voir mes pistes le matin vidées de tout entraînement. Cela dit, en pleine saison de courses, il fallait tondre et assurer un suivi minimum. Tout cela reste dans nos mémoires. Et rien n’est malheureusement terminé. On voit encore apparaître quelques départs de feu. Je suis natif de La Teste. Ma famille avait une propriété forestière ici. Je faisais partie du club de 4x4, je chassais ici, donc la forêt est une partie de ma jeunesse. Et c’est là que ça brise le cœur. Quand on a connu l’endroit, le voir comme ça aujourd’hui c’est dramatique. Tous les arbres avaient minimum 60 ans. C’était une vieille forêt. Atypique avec un massif très vallonné, un paysage dunaire, ce n’était pas comme un massif landais. Il faudra des années et des années pour qu’on retrouve un paysage à l’identique ». On gardera aussi longtemps le souvenir de tous ces héros, de tous ces pompiers qui ont épargné des vies et que l’on ne remerciera jamais assez. Un hommage grandeur nature leur a même été rendu lors de la reprise des courses le 31 juillet. « Il y avait énormément de monde. De la piste, il y a bien longtemps que je n’avais pas vu les tribunes aussi nourries. Cela a créé une émulation » constate Alexis. « Le discours du Président Le Dantec à cette occasion a été très touchant. On ressentait de toutes parts beaucoup d’émotion, de sincérité et de reconnaissance dans les applaudissements » reprend Stéphanie.

"On ne sort pas indemne d’un été comme celui-là"

Aujourd’hui, l’un et l’autre doivent répondre à une nouvelle crise. Celle de l’environnement et de la sécheresse même si dans ce domaine Alexis est plus optimiste que nombre de ses confrères. « Il faut l’admettre, certaines zones sont moins arrosées que d’autres, mais nous sommes moins impactés que d’autres par la sécheresse. Nous disposons de forages. J’ai encore sondé mardi et nous étions à 3,20 mètres de profondeur. Reste que la chaleur est l’ennemie des pistes. Quand il fait très chaud il ne faudrait même pas les travailler. Le simple passage d’un engin mécanique est susceptible d’abimer le gazon. Et en parallèle, il faut rester rationnel avec l’arrosage. C’est compliqué. Le secret c’est d’y être tous les jours et de rester attentifs. Etre dans l’observation et dès qu’il y a un soupçon de problème sur un arroseur intervenir de suite. La météo annonce un peu d’eau la semaine prochaine. Ce serait un premier ouf de soulagement. Les sols sont encore très chauds. La menace incendie reste présente. Croyez-moi, on ne sort pas indemne d’un été comme celui-là ». Quatre réunions se tiendront encore en terre testérine d’ici la fin de saison (les 19 et 23 août ainsi que les 2 et 3 septembre). Mais ne parlons pas pour autant de délivrance pour nos deux experts. « A l’issue de la dernière réunion, je vais préparer mes jardins d’hiver, retravailler les massifs et changer les variétés de fleurs, tailler les arbres,… » explique Stéphanie quand Alexis, lui, « défeutra, bouchera les trous, resèmera le gazon avant décompactage pour qu’il  puisse s’appuyer sur le meilleur enracinement possible. Comme pour les fleurs il faut resemer rapidement. Beaucoup de personnes travaillent à nos côtés. Nous ne sommes que les responsables de nos secteurs. C’est surtout grâce à tous ceux qui oeuvrent dans l’ombre (bien qu’au soleil, ndlr) qu’on parvient à un résultat d’ensemble très satisfaisant. C’est un vrai travail d’équipe ». A La Teste, on sait aujourd’hui mieux qu’ailleurs toute l’importance du collectif.  

Fabrice Rougier


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