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Sur les haies d’Auteuil, 46 ans après Ronny Dupon
Publié le VENDREDI 16 OCTOBRE 2020


Du monde des courses, Ronny Dupon a surtout conservé une inaltérable amitié avec le crack-jockey Yves Saint-Martin (photo DR).
 
Ce week-end, les meilleurs sauteurs assureront le spectacle à Auteuil. Dans un petit bourg de la banlieue bruxelloise, Ronny Dupon, 70 ans, suivra samedi avec attention les opérations pour découvrir le lauréat de la Grande Course de Haies. En 1974, il l’avait remportée en qualité de jockey sur Baby Taine, un pensionnaire d’André Adèle, alors chef de file de la profession. L’occasion de rouvrir le livre des souvenirs.

Le grand week-end de l’obstacle ombragera samedi et dimanche les réunions secondaires. Il faudrait être « sot » pour manquer pareil événement à Auteuil avec ses deux points d’orgue que demeurent Le Grand Steeple-chase de Paris, dimanche, et la Grande course de haies, samedi.  Deux épreuves qui nous figent, nous exaltent, nous émerveillent par leur splendeur et leur délicatesse depuis 1874. Cent ans après leur création, en 1974, le Belge Ronny Dupon avait remporté la plus prestigieuse course sur les balais de la Butte Mortemart. Nous l’avons retrouvé à dix kilomètres de Bruxelles. De la hauteur de son 1,75 mètre et de sa prestance, on aurait pu parler rugby ou lutte gréco-romaine. Mais à 70 ans, l’un des meilleurs jockeys d’obstacle des seventies a gardé le cheval au chapitre de ses plus beaux souvenirs. Sa carrière fut courte entre les blessures à répétition et une balance qui n’a jamais été son alliée. Il le déplore. Mais son palmarès est gravé dans le marbre de la discipline. Notamment lors d’une année 1974 où il « cassa la baraque ». Et pas la baraque à frites. « Je n’ai travaillé en fait que 14 ans dans les courses hippiques. Mes débuts, je les avais faits à 14 ans en montant à cheval pour madame Descamps. On venait chaque année à Cagnes-sur-Mer. Lors de la saison 1970/1971, j’avais cumulé quatre gagnants sur la Côte d’Azur avec les représentants de l’entraîneur Lou Follett. C’est à ce moment précis qu’André Adèle m’a remarqué et en avril 1971 il m’a fait venir en France ». André Adèle, un nom que les moins de 50 ans ont forcément entendu sans pour autant le connaître. Il était au royaume de l’obstacle le chef d’orchestre de l’après-guerre. Sa suprématie s’étalait sur plusieurs décennies et tous les grands noms du métier ont un jour ou l’autre nettoyé ses boxes. « Quand monsieur Adèle m’a accueilli à Maisons-Laffitte, il m’a donné un appartement dans une villa de l’avenue Saint-Germain à proximité de l’écurie. Mon voisin du dessus était Jack Barbe qui officiait comme premier garçon. Jean-Paul Gallorini exerçait à mes côtés en qualité de lad-jockey. Notre patron était un magicien dans la lignée de Georges Pelat et de Jack Cunnington », savoure encore ce bon vivant à la gentillesse rare. D’entrée de jeu, Ronny confirme sur les pelouses ses dispositions azuréennes. « Je me souviens de ma première course à Paris. C’était à Enghien avec Anne de Preuil. J’avais terminé deuxième. Ensuite, le patron m’a fait monter Dark Panther pour madame Maria-Felix Berger dans le Prix Wild Monarch et je m’étais imposé pour mes débuts à Auteuil. Ma carrière a vraiment pris son essor en 1973 quand j’ai été associé au meilleur cheval que j’ai eu dans ma vie, un certain Saldakan. Il appartenait à monsieur Whitbread, un grand brasseur anglais. Ensemble, on avait conclu deuxième dans le Prix Centenaire d’Auteuil. A cette époque, cette épreuve était aussi prestigieuse que la Grande course de haies d’Auteuil ».

Avec Jean-Paul Gallorini, André Fabre et les plus grands

Le pilote belge n’avait néanmoins encore rien vu. L’année 1974 frisait la perfection à tel point qu’il aurait pu remporter la cravache d’or si le règlement n’avait pas cette année-là été modifié. En effet, historiquement, les victoires glanées en province venaient se greffer aux succès parisiens pour l’obtention de la distinction suprême. Avec 31 titres glanés en région parisienne, « Ponpon », comme on l’appelait sur les pistes, concluait sixième avec 31 sacres devancé par Alain Grimaux et Jean Linxe, co-lauréats avec 41 gagnants. Il enchaînait victorieusement les plus belles de l’obstacle français dont la Grande course de haies d’Auteuil avec Baby Taine, le Prix Montgomery sur L’Amenokhal, alors disputé sur 5500 mètres, le Prix La Haye Jousselyn, que l’on bouclait sur le gros open-ditch, le Prix Alain de Goulaine, mais aussi 3 tiercés dont le fameux Prix Robert de Clermont-Tonnerre associé à Sacramento en remplacement d’André Fabre qui avait chuté en début de réunion. Des moments inoubliables que seuls les week-ends procuraient. «  Quand on gagnait un tiercé on était connu par la France entière. Il n’y en avait que les samedi et dimanche. On passait dans les PMU, on voyait les petits vieux la tête plongée dans leurs journaux avec le Pastis ou le petit rosé sur la table. C’était l’antre du bonheur et de la convivialité. Cependant, dans ce tourbillon de consécrations j’avais en 1974 été accidenté à deux reprises, ce qui me coûta un meilleur classement. Une première fois six semaines en chutant avec Drosere qui appartenait à monsieur Alain Delon, puis j’avais ensuite laissé ma clavicule sur la piste d’entraînement ».

Une médaille de bronze pour seule récompense

Malheureusement la gestion du poids avait raison de Ronny en 1977. « A poil, je pesais 58 kg. C’était steak salade tous les midis et un yaourt le soir. Sur un coup de tête et suite à une petite altercation avec monsieur Adèle j’ai décidé de tout arrêter pour retourner en Belgique. Monsieur Adèle m’avait dit « je vous souhaite bonne chance » et j’ai appris plus tard qu’il avait soufflé à l’oreille de mon épouse  « votre mari fait une grosse bêtise de partir ». Aujourd’hui je le regrette. Si j’avais su cela plus tôt, j’y aurais réfléchi à deux fois ». Victorieux à Enghien dans la Grande course de haies, sur les plus beaux parcours de steeples dont ceux de Marseille-Borély ou de Fontainebleau, ce jockey émérite n’a pourtant conservé aucun présent. « De cette carrière, je n’ai remporté qu’une petite médaille de bronze à Fontainebleau. Je l’ai conservée dans un placard. C’est mon seul souvenir. Nous ne gagnions rien du tout, aucun cadeau, pas même une bonne bouteille. Les temps ont bien changé. Je n’ai du reste pas plus été invité par France Galop, ni même avant sa création par la société d’encouragement et de steeple-chases de France  lors d’un grand rendez-vous hippique. Alors je parcours chaque jour les résultats sur Zeturf ». Il en sera ainsi samedi et dimanche pour le plus beau week-end réservé aux sauteurs. Avec forcément quelques belles images du passé que Ronny Dupon se repassera en boucle. Loin d’Auteuil et de sa magie !     
 
Fabrice Rougier


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