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Stéphane Bourlier : Si je ne fabrique pas les cracks, personne ne me les amènera
Publié le LUNDI 14 JUIN 2021


Alors que l’hippodrome de Vichy n’en est encore qu’aux prémices de sa saison, nous avons rencontré Stéphane Bourlier, l’un des maîtres de Bellerive. L’entraîneur sarthois a tout misé sur l’élevage des « Ludois » dans son haras du Tronchet. Et ses jeunes pousses lui donnent souvent raison. Rencontre avec un professionnel discret dont l’efficacité et la régularité abondent en son sens.

On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. Stéphane Bourlier a fait d’un proverbe sa devise. En silence. Loin de tous remous médiatiques. Grand absent des réseaux sociaux. Le mentor Sarthois se recentre sur l’essentiel, notamment ses « Ludois » au Haras du Tronchet dans la pure tradition des fondations posées par madame Labbé à l’origine de ce label du trot. Au royaume des vert et bleu, l’élevage est sacré, primordial, la raison de croire en des lendemains chantants. « Mon papa était turfiste. Dès l’âge de 5 ou 6 ans, je lisais la presse hippique et je me suis très vite aperçu en analysant les statistiques que les meilleurs entraîneurs de l’époque s’appuyaient tous sur l’élevage. Au début de mon activité, j’ai eu la chance de tomber sur deux très bonnes juments qui étaient Espérance Ludoise et Erika de la Vallée, malheureusement disparue des suites d’une hémorragie interne sur la piste. Cette dernière sortait de nulle part, mais elle m’a quand même fait connaître et m’a procuré des débuts plus paisibles. Je leur dois beaucoup. Vous démarrez, vous tombez sur deux parisiennes, c’est inespéré. Pour réussir il faut de la chance. Mais au lieu de l’attendre, il faut la provoquer. Erika de la Vallée fait partie de ces bonnes étoiles. Aujourd’hui, j’ai quatorze poulinières dont une AQPS.

"Un Vivaldi de Chenu me suffirait. Ça me ferait ma retraite"

J’aime toutes les disciplines. Je me suis toujours intéressé de près à l’obstacle parce qu’ils font quand même un drôle de métier. Au trot rien n’est facile, mais leur spécialité est encore plus compliquée. Quand mes sauteurs arrivent sur la piste, je ressens énormément de stress. Surtout quand je regarde la course à la télé et que vous voyez les obstacles s’enchaîner les uns après les autres. C’est une discipline noble, mais exigeante. Mentalement, il faut être très fort. J’aurai beaucoup de mal à supporter cette peur quotidienne de les voir se blesser. Quand j’ai perdu Bianca des Iles de coliques, j’ai chialé comme un gosse. Je m’attache à mes bébés et à mes bonnes juments. Comme j’assure mes poulinages, ces partenaires on les suit tout au long de notre vie. La plus belle récompense, et croyez-moi qu’elle est méritée, c’est de gagner avec un cheval qu’on a fait naître. Dès lors, je travaille d’arrache-pied pour améliorer ce secteur. Si je veux gagner en qualité, tout passe par là. De toute manière, si je ne fabrique pas les cracks, personne ne me les amènera. Donc c’est à moi de jouer en allant un peu plus au papier pour les croisements afin d’obtenir une meilleure « jumenterie » si j’ose dire. Ce qui me manque aujourd’hui, c’est une poulinière comme Bianca des Iles. Elle avait la classe pour atteindre les semi-classiques. Je voudrais au moins finir ma carrière sur un bon cheval, ne serait-ce que de niveau Groupe III ou Groupe II, afin qu’il devienne étalon avec une génétique issue de chez moi. Un Vivaldi de Chenu me suffirait. Ça me ferait ma retraite », constate ce fin technicien souvent dans l’ombre, considéré comme un solitaire de la profession. C’est mal le connaître. Il se souvient de son passé de turfiste et n’hésite jamais à distiller un conseil en direction des tribunes.

"Je n'aime pas les gens qui se la pètent"

Hors de hippodromes, Stéphane n’est même plus du tout le même. « Je concède qu’il faudrait que le patron soit un peu plus relationnel (rires). Qu’il soit plus souvent scotché au téléphone. Qu’il se vende plus. A l’âge que j’ai, je pense que c’est foutu. Vous savez, je n’aime pas les gens qui se la pètent, donc je ne veux pas devenir comme eux. Ceux qui me connaissent savent par contre que je peux être quelqu’un de convivial. On m’a même fait la réflexion un coup ou deux lors de soirées où l’on faisait les fous. Quand on ne te connaît pas hors des hippodromes, on a l’impression que t’es une tête de con parce que tu es renfermé, que tu restes dans ton coin. C’est sûrement dû à un peu de timidité. Aujourd’hui, si j’avais un conseil à donner aux jeunes qui débutent, c’est d’inonder les réseaux sociaux d'informations, d’envoyer des photos et des vidéos aux clients, de promouvoir leur écurie. Il ne faut pas bouder la communication. De nos jours, c’est incontournable ». Des jeunes à qui il a, au fil des années, apporté toute sa générosité et son expérience. « Sans la moindre amertume, je pense qu’on ne m’a pas donné ma chance à leur âge. Quand je me suis installé, je ne totalisais que neuf victoires et j’avais 29 ans. On ne peut pas y arriver tout seul. Notre devoir dans cette profession, c’est de faire gagner des courses aux gens qui nous entourent. Quand Virgile Foucault est arrivé à la maison, il n’avait pas lancé son compteur, Clément Frécelle n’avait qu’un succès. Je leur ai donné les moyens d’évoluer en récompense du travail fourni à l’écurie. C’est une motivation. Je vois les choses comme ça. Je leur demande d’être autonomes. Ils ont le droit d’essayer de mettre un cheval au point. Notamment au monté, car si je me mets sur la selle il ne se passera pas grand-chose. Ils ont toujours eu carte blanche ». La méthode Bourlier fonctionne. Depuis des décennies. Avec en point d’orgue Vichy où les victoires défilent aussi vite que les années. « J’ai toujours aimé cet hippodrome, sa piste, son Festival du Trot que je ne manque sous aucun prétexte. C’est une région où j’ai travaillé à mes débuts en compagnie de Gilles Vidal et de Jean Fresnaye à la grande époque. J’ai conservé dans l’Allier beaucoup d’affinités. Avec de bons résultats, c’est encore plus sympa ». Usé par une courte nuit de sommeil, Stéphane n’a sorti ses premiers lots qu’à 8 heures mercredi, en priorité préoccupé par Ambrée Ludoise prête à dévoiler le dernier petit « Ludois » de l’année 2021. Peut-être celui qui brillera sur les hauteurs de Vincennes.
F.R.


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