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Olivier Jouin l’utile à l’agréable
Publié le VENDREDI 26 NOVEMBRE 2021


A 35 ans, Olivier Jouin est au sommet de son art. Sur les hauteurs de la Butte Mortemart après avoir trouvé le parfait équilibre chez Nicolas Devilder. Son premier Groupe I obtenu il y a trois semaines dans le Prix Maurice-Gillois grâce à Let Me Love, entraînée par son ami William Menuet, n’est que la récompense d’une œuvre maîtrisée avec amour dans la plus stricte discrétion.

Voilà vingt ans qu’il nous accompagne sur les hippodromes. On le sait perfectionniste, attentionné et fidèle sans pour autant vraiment le connaître. Mais n’allez pas croire qu’il tire de sa discrétion une force. Ni du reste qu’il se protège. Olivier Jouin est ainsi. Naturellement réservé hors des pistes. « J’aime bien garder ma petite part de mystère », glisse-t-il tout sourire. Difficile toutefois de sortir du champ des caméras quand on remporte le Grand Steeple-chase des 4 ans à Auteuil. Quand l’émotion vous envahit. « Sur le coup, je pensais être battu. Ça m’a un peu cassé le délire. Mais cette victoire de Let Me Love à l’arrachée n’en fut que plus belle. A ce moment-là, j’ai pensé au long chemin parcouru, à monsieur Georges Bonsergent qui m’a formé au même titre que Jacques Ricou. A tous ces gens qui m’ont donné le goût des chevaux, d’abord, et des courses ensuite ». Toucher le ciel de la discipline, partager ce bonheur avec William Menuet, gagner un Groupe I avec une pouliche dont la mère lui avait déjà permis, autrefois, de remporter notamment le Grand Steeple-chase de Craon… tous les ingrédients étaient réunis pour décupler l’intensité d’un moment unique.

"Let Me Love, une battante, une vraie pro"

« Ce qui est d’autant plus sympa, c’est que William m’a fait le plaisir de me laisser la pouliche. Rien ne l’y obligeait. Hormis la fois où elle avait évolué à Segré, car j’étais pris à Auteuil pour la journée du Grand Steeple-chase de Paris, je me suis constamment débrouillé pour la seller et elle me l’a toujours rendu. Honnêtement, après son succès dans le Prix The Fellow, je ne cherchais pas à me mettre la pression. Je la pensais détenir une chance mais j’essayais de ne pas y penser et d’aborder l’événement dans le même esprit que ses courses précédentes, c’est-à-dire en la montant d’abord pour elle. C’est une battante. Cette victoire, c’est elle qui est allée la chercher. Quand elle s’était imposée à Clairefontaine, cet été, elle m’avait déjà impressionné en faisant le boulot toute seule alors qu’elle évoluait quand même sous 72 kilos. Dans le Prix Maurice Gillois, elle m’a donné l’impression de connaître tous les obstacles par cœur. Elle a franchi l’oxer comme si elle avait les mesures en tête. C’est une vraie pro et je pense qu’on n’a pas encore tout vu. Certains vous diront que ce n’était pas un grand « Gillois », en attendant on l’a gagné quand même. Son dauphin, Sel Jem, vu son modèle, est un vrai cheval d’avenir sur les gros obstacles. On la reverra quoi qu’il arrive au printemps sur les balais. William en prend soin tous les jours. Il ne prendra aucun risque avec. Je la crois capable de monter encore en puissance et de prendre de la force », explique le pilote de 35 ans qui règle chaque matin, tel un joailler, ses montes de l’après-midi. « Mon plaisir, c’est de me lever pour travailler les chevaux, les former. On a passé mardi matin au gazon un lot de sauteurs de 2 ans pour monsieur Devilder. Voilà où se trouve le bonheur. On sait déjà qu’on dispose de quatre belles et prometteuses pouliches pour l’an prochain. Comme on l’avait fait auparavant pour Let Me Love, comme avec Hurrick des Obeaux ou Dentor des Obeaux. Croyez-moi que pour ce dernier, à l’âge de 3 ans, rien ne laissait présager qu’il prendrait plus de 80 000€ exclusivement en haies cette année après avoir gagné en steeple l’an passé à Auteuil. Quant à Halthia des Obeaux, avec qui nous nous sommes imposés lundi à Fontainebleau, je n’aurai rien misé sur elle en janvier dernier. A force de travail, certains chevaux finissent par nous surprendre et c’est en cela que ce métier est merveilleux ».

"Je tourne vite en rond à la maison"

Cette sonnerie qui brise le sommeil et qu’on a envie de briser au petit matin, la lassitude, les régimes, Olivier s’en moque bien. « Je ne suis pas très grand, donc j’ai cet avantage de ne pas être lourd de base. Franchement, je ne m’impose aucune restriction. Seul le travail du matin me permet de me maintenir en forme et au poids pour la compétition. J’ai cet impérieux besoin de me dépenser. Je ne me réserve que le mercredi pour m’occuper de mon fils. Je ne suis pas du genre à rester dans mon canapé. Hormis un peu de jardinage et quelques parties de jeux vidéo avec mon fils, je tourne vite en rond à la maison. Mon énergie je la puise à cheval, dans les boxes. Le lendemain de mon Groupe I, je suis allé comme nombre de lundis chez Pascal Journiac, j’ai passé la soufflette derrière les gars qui avaient fait les boxes. Je n’ai rien changé à mes habitudes et je n’ai aucunement besoin d’un exutoire en dehors de l’écurie ». Alors qu’Auteuil baissera son rideau mardi, Olivier pourrait presque en être le premier désolé bien que son pragmatisme reprenne le dessus… « il faut bien que la piste et les chevaux se reposent aussi un peu. En période de meetings, je ne dirai pas que je vais refuser les montes à tours de bras, mais je n’étudierai que les propositions sérieuses. Travailler avec une maison pour qui je ne remonterai pas derrière n’a rien de constructif. Je ferai donc surtout des allers-retours à Pau pour Pascal Journiac, Philippe et Camille Peltier et monsieur Devilder. Fin juin, le chiffre d’affaires était fait par rapport aux années précédentes, alors je préfère privilégier les montes qui dessineront l’avenir ». En filigrane cette sagesse, ce profond respect et cette infaillible affection pour ceux qui l’entourent au quotidien. Au travail comme à la maison. « Je ne remercierai jamais assez mes parents, ma femme, mon fils, toutes ces personnes qui sont là dans les bons comme dans les mauvais moments. Mon bonheur est au plus proche de moi, pas ailleurs ».  

Fabrice Rougier


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