Thomas Touchard en suppléant de luxe d’Antoine Dabouis ![]() Alors qu’il figurait parmi les espoirs du trot au début des années 2010 pour ses qualités de jockey, Thomas Touchard a pourtant disparu de la scène parisienne pour mener une vie plus ordinaire en province, notamment dans la Sarthe où il exerce chez Michel Dabouis. Dimanche, à La Roche-Posay, en remportant avec Gaudéo une étape du Trophée Vert, il est soudainement réapparu sous les projecteurs.
Le dimanche 4 juin restera un jour à part pour Thomas Touchard après sa belle victoire avec Gaudéo. Une étape de Trophée Vert, sans être une préparatoire au Prix d’Amérique, donne du relief à un palmarès. Certes, La Roche-Posay n’aura jamais la réputation de Vincennes. Mais sur Paris, faute de pouvoir aligner les bâtons, le jeune sarthois a fait une croix. Son dernier succès sur la pouzzolane remonte déjà à dix ans, en pleine période d’apprentissage, alors que certains pouvaient voir en lui l’un des espoirs des pelotons. Jockey doué ? Sûrement. Ambitieux à son jeune âge ? Beaucoup moins. La jeune étoile parisienne a filé dans le ciel de province. Aujourd’hui salarié chez l’entraîneur Michel Dabouis, Thomas avoue ses faiblesses. Son manque de confiance, sans omettre de rappeler, avec une once de regrets, qu’il aurait pu suivre des chemins plus lumineux. « Apprenti, je n’étais utilisé qu’au monté. J’ai eu un peu de mal à apprivoiser le sulky. Il faut bien le dire, je n’étais pas un crack (rires). J’ai attendu un an pour empocher ma première victoire, un an de plus pour gagner la seconde. Pour percer dans cette profession il faut avoir un peu de cul et s’y mettre vraiment. Moi j’étais chez mon père, entraîneur à l’époque, et avec du recul je me dis que j’ai raté le coche. J’avais réalisé un meeting chez Matthieu Abrivard et j’aurais dû prolonger cette belle aventure. Je me suis encroûté un peu chez moi et j’ai préféré à l’époque monter pour des gars du coin, des copains, des gens qui me faisaient confiance. J’avais par exemple gagné avec Quoet des Caillons qui a enfilé ensuite plusieurs succès avec Antoine Lhérété et Charles Bigeon tandis que j’accordais ma priorité à Quelly Saint Bar pour Maxime Bouhours parce que c’était un ami et que je ne voulais pas le laisser tomber. Disons que je n’ai jamais vraiment pris les bonnes options pour faire une grande carrière », analyse Thomas dont le parcours aura ensuite connu des hauts et des bas. "Je suis passionné mais pas enragé" Pièce maîtresse de l’effectif de Michel Dabouis, il a aujourd’hui pris du recul et se satisfait pleinement de jouer les seconds couteaux à l’écurie. « A mes débuts, la compétition me bottait. Mais désormais, sans aller jusqu’à dire que je ne prends plus de plaisir en course, je ne me lancerai plus, où que je sois, dans une bataille pour devenir le numéro un. Ici la hiérarchie est claire et bien établie. Antoine fait très bien le boulot. Quand on dispose d’une bonne chance, il est plus apte que moi à défendre nos couleurs. Si l’apprenti qui bosse avec nous exprime l’envie de courir, ça ne me dérange pas non plus de passer troisième. Quand Michel me confie un partant, je considère que ça fait partie de mes missions, un petit bonus pour me changer les idées, pas plus. Je n’ai jamais ressenti le besoin ni l’envie de prendre un agent. J’ai même voulu arrêter le métier plusieurs fois avant d’intégrer l’effectif de Michel dans une période un peu spéciale. Je peux difficilement l’expliquer, mais je n’ai jamais fait ce métier à 200% comme ceux qui ont faim. C’est un peu con de dire ça, je suis passionné mais pas au point d’être enragé. J’aime les chevaux, j’aime mon job, tout se passe bien, ça me suffit. Je n’ai jamais eu les dents longues ». Pour autant Thomas se considère heureux de contribuer à la réussite d’amis plus que de patrons. Comblé même par le succès de Gaudéo, le cheval de l’écurie. « J’ai profité d’une mise à pied d’Antoine. Ça fait plaisir à tout le monde. Personnellement, c’est une grande satisfaction, ma plus belle victoire. Elle remet tout le monde dans le sens de la marche car je sortais d’une grosse période de méforme. Moralement, elle fait grand bien. Gaudéo est un bon élément. Certains chevaux demeurent un peu spéciaux, mais lui est vraiment attachant, gentil comme tout. Quand tu le connais depuis tout petit et que tu arrives à en gagner une belle comme ça, c’est sympa. Si ça se joue sur un déboulé, il peut aller vite, mais quand il y a un train d’enfer comme dimanche il devient un vrai killer ». Pour autant, si le bonheur fût immense, Thomas conserve le même état d’esprit. « Je ne me sens pas trop à ma place au milieu des pelotons parisiens. Je préfère prendre mon petit camion et sillonner la province. L’ambiance d’un vestiaire ne me plaît pas particulièrement. Cela dit je suis très proche de Benjamin Rochard et quand je vois sa réussite ça peut en faire rêver plus d’un. Il s’est donné les moyens de figurer parmi les meilleurs. Il a secoué le cocotier, mais il en a chié. On voit toujours les mêmes en haut de l’affiche, mais plus on grimpe dans la pyramide, plus l’étau se resserre. Combien possèdent leur licence sans jamais courir ? Moi j’ai encore cette chance chez Michel. Sans réellement savoir si je ferais ce métier toute ma vie, je compte dès lors profiter de chaque bon moment ». Fabrice Rougier
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