Charles Lecrivain auteur d’un excellent premier semestre ![]() Après une période nébuleuse, le petit effectif de Charles Lecrivain s’est soudainement affirmé avec sept succès en seulement vingt-six partants depuis le début de l’année. A l’image de voisins de box, La Wood a même paraphé le premier succès de l’entraîneur installé en Mayenne à Longchamp dimanche. Moment de partage avec un professionnel discret… sauf avec son cercle d’amis.
Dimanche dernier, La Wood, au-delà de sa victoire dans le Prix d’Orcy, a réussi l’exploit d’offrir un premier succès à Charles Lecrivain dans le Temple du Galop. Il est presque incroyable que ce Rennais, fort de seize années de licence d’entraîneur, après avoir triomphé un peu partout dans l’hexagone, n’avait pas connu pareille émotion. Une victoire espérée, voire attendue, mais surtout méritée. « Déjà, le coup d’avant, La Wood avait été très malheureuse. Dimanche, tout semblait réuni pour vaincre le signe indien. Et elle l’a fait. Auteuil, Chantilly, Saint-Cloud,… on avait gagné partout sauf à Longchamp ». Pas de quoi pour autant tracasser le professionnel installé en Mayenne à La Gravelle « à cent mètres de la frontière avec l’Ille-et-Vilaine » se plait-il d’ajouter fier de son bout de Bretagne. Car Charles se moque un peu du strass et du luxe de la discipline. Pour lui, rien n’est plus fort que la famille, son cercle d’amis, les propriétaires qui l’entourent et lui témoignent confiance et soutien depuis son installation. Le reste parait dérisoire à l’heure du bilan « Dans ce métier quand on est jeune on veut tout casser. Mais vous vous rendez rapidement compte que si vous n’avez pas 80 chevaux à l’entraînement avec une grosse structure, il est préférable de s’occuper de dix chevaux que d’en avoir vingt-cinq. En seize ans d’activité, j’ai toujours eu les mêmes clients dont André-Maurice Roux fut le premier. C’est une histoire de famille. Il travaillait avec mon parrain et mon grand-père Louis Rozé dans la viande. On s’est connu comme ça. Un jour, il m’a dit je te mettrai ton premier cheval et je lui ai ensuite permis de gagner sa première course PMU. Je privilégie le travail avec des gens comme ça. Le « lécher de cul », en parlant crûment, et le bling-bling ce n’est pas trop mon truc. Je préfère mon galopin à un euro cinquante (sans consigne) à une coupe de Champagne à 25€ à Longchamp ou à Saint-Cloud. Ça ne plaît peut-être pas à tout le monde, mais c’est comme ça ». Un franc-parler. Une méthode qui n’a jamais varié. Il faudra vous lever de bonne heure pour changer Charles Lecrivain. Et son inflexibilité en toutes circonstances lui donne absolument raison. De saisons juteuses en années infructueuses, l’homme qui a été élevé dans un environnement de trotteurs s’est doté d’une carapace solide et s’est toujours relevé. "Quand les chevaux vont moins vite c'est moins marrant" Entre 2018 et 2022, il a pourtant fallu laisser passer l’orage. Une longue période de turbulences pour mieux apprécier le soleil qui est revenu sur l’écurie située entre Vitré et Laval. « L’an passé tous nos chevaux sont tombés malades. Avec un petit effectif comme le nôtre on accuse le coup. Quand on recense cinquante chevaux malades sur un effectif de cent-cinquante, il en reste cent à courir, mais quand on compte ses pur-sang sur les doigts des deux mains et qu’ils sont tous défaillants faites le calcul. Depuis 2018, il est également facile de constater que le rendement de l’écurie était moins bon. On a peut-être fait des bêtises. On a sûrement eu aussi des chevaux moins performants. On s’est retrouvé face au besoin de se restructurer pour rebondir. En plein cœur d’années creuses avec des soucis de personnels, il a fallu se résoudre à limiter le nombre de nos pensionnaires. Ce n’était pas une question de clients. On a eu cette chance qu’ils nous soient restés fidèles, que nos fournisseurs ne nous lâchent pas. On n’a rien changé à la méthode. C’est pour tout le monde pareil, quand les chevaux vont moins vite, c’est moins marrant » analyse Charles qui, depuis le début de l’exercice en cours, a très souvent retrouvé le chemin des balances. Vingt-six partants. Sept victoires avec seulement six chevaux aptes à défendre leurs chances et quelques poulains qui progressent en attendant leurs grands débuts à la fin de l’année. Un ratio de folie. « On semble sortis de l’obscurité mais, malheureusement, on ne sait jamais quand arrivera la prochaine disette. On a renoué avec la réussite, alors on en profite avec cette angoisse permanente de ne pas savoir de quoi sera fait demain. Mes élèves ont passé le poteau 113 fois en tête depuis mes débuts. Ça peut sembler peu, mais pour notre petit effectif cela fait tout de même une moyenne de sept gagnants par an ». L’homme n’a jamais eu la folie des grandeurs. Il suffit parfois de peu pour être heureux. Sur ses 40 hectares d’où s’érigent 25 boxes avec une piste de 800 mètres et une ligne droite de 500 mètres, Charles a son paradis secret. A une demi-heure de Senonnes où il se rend « pour allonger le tir quand c’est nécessaire », poursuit-il. Paradoxalement, son seul représentant à avoir pris du black type était un sauteur, mais l’avenir n’a pas encore livré son verdict. « Avec Roméo de l’Ansaud, on avait conclu second du Grand Steeple de Nantes. En plat j’attends toujours le pur-sang qui sortira du lot même si j’ai remporté un Gr.III pour AQPS avec Vichy avec Falazé. Ce fut un grand moment avec Jean-Yves Binois et Titi ses co-éleveurs. Tant qu’on est là, tout reste possible. Je ne sais pas encore avec lequel, mais on travaille tous les jours pour ça ». Fabrice Rougier |